« Pas d’accord de volontés, point de contrat. ». Le consentement peut se définir comme la volonté d'engager sa personne ou ses biens, ou les deux à la fois. Cette volonté doit être exprimée expressément et cette expression permet d'établir, de matérialiser la volonté. L'un des moyens d'établir le consentement c'est d'écrire L'écrit permet donc de matérialiser l'engagement des parties et joue un rôle important comme mécanisme de preuve. Cet article revient sur le cadre juridique encadrant l'écrit en droit sénégalais…
Historiquement, la valeur octroyée à la parole donnée, était d’une importance telle, quelle suffisait à concrétiser un engagement entre les parties. Les canonistes accordait à l'autonomie de la volonté, une importance particulière. Et pour une mise en oeuvre de l'autonomie de la volonté, le respect de la parole donnée était sacré.
De la consécration de l'autonomie de la volonté individuelle découlera le principe du consensualisme. Défini par opposition au formalisme, le consensualisme serait le principe selon lequel les actes juridiques ne se trouvent soumis à aucune condition de validité relative à la forme. Quoique continuant à valoir "son pesant d’or", appliqué de manière absolu, ce dernier peut entrainer des dérives voire une insécurité juridique.
Le formalisme , matérialisé par « l’écrit », poursuit souvent un objectif de protection en ce qu’il va permettre d’attirer l’attention des parties sur le contenu du contrat mais également faire office de preuve dans l’hypothèse d’une éventuelle contestation.
L’écrit peut être considéré comme un acte juridique établi par une ou plusieurs parties afin de matérialiser l’existence d’une relation contractuelle.
En effet, dans un souci de renforcement de la sécurité juridique et d’efficacité des transactions, le législateur sénégalais va faire du respect de certaines formalités, une condition de validité de certains actes juridiques (ces actes seront dits solennels) et une condition de preuve pour d'autres actes.
Le contrat solennel va donc être celui dont la validité, outre l’accord de volontés, va supposer l’accomplissement d’une formalité particulière et l'intervention d'une autorité spécifique alors que pour d'autres contrat la rédaction d’un écrit s'appréhende comme un mode de preuve. on évoquera d'une part les actes authentique et les actes sous seing privés comme moyen d'encadremenbt du contrat avant de revenir sur la valeur juridique de l'écrit en droit sénégalais.
1- Actes authentique et actes sous seing privés, moyen d'encadrement de la relation contractuelle.
L’acte authentique est un acte établi par un officier public. La valeur historiquement conférée à certaines catégories de biens tels que les biens immobiliers ou la gravité de certains événements dans la vie des personnes (le mariage, par exemple) va justifier la mise en place d’un formalisme de validité, on dira que ces formalités sont exigées ad validitatem.
C’est ainsi que les contrats relatifs au transfert de propriété d’immeubles immatriculés devront être passés par devant notaire[1].
Cette exigence de formalisme se voit également reconnaitre une application en matière de filiation, c’est ainsi que le consentement à l’adoption devra en droit sénégalais être donné par acte authentique soit devant un juge de paix , un notaire ou devant les agents diplomatiques et consulaires sénégalais[2].
Il peut arriver pour certaines catégories de transactions que le choix du formalisme soit laissé à la discrétion des parties, tel est le cas de la cession de fonds de commerce dont le régime juridique est quelque peu similaire à celui dédié à la vente. Cette cession pourra ainsi se réaliser soit par acte authentique soit par acte sous seing privé[3]. Ce choix laissé aux parties peut se justifier par le fait qu’un formalisme trop prononcé peut engendrer un certain retard dans la marche des affaires.
Certaines parties désirant éviter toute forme de contestation future, privilégieront l’acte authentique, alors que d’autres se contenteront d’un acte sous seing privé qui certes, offre moins de garantie en terme de fiabilité mais a l’avantage d’offrir une approche plus pragmatique .
Il en est de même en matière de cessions de créances dans une société constituée entre des époux, elles devront pour être valables résulter soit d’un acte notarié soit d’un acte sous seing privé[4].
A la différence de l’acte authentique qui requiert, pour des exigences d’ordre public, l’intervention d’un officier public, l’acte sous seing privé va quant à lui concerner essentiellement les parties au contrat et éventuellement un tiers (dans le cas d'un mandataire) à condition que ce dernier n’ait point la qualité d’officier public.
Cette catégorie d’actes quoique moins contraignante, n’en demeure pas moins importante car faisant office de matérialisation de l’engagement des parties.
Le législateur dans un contexte de développement des relations d’affaires a voulu faire preuve de prévenance en imposant la rédaction d’un écrit dès lors qu’une convention excèderait la somme de vingt mille (20.000) francs CFA[5].
Il pourrait être intéressant de s’interroger sur la pertinence actuelle de cette disposition sur le plan économique, cette somme étant aujourd’hui considérée comme plutôt dérisoire. Tel n’était certainement pas le cas à l’époque où le législateur prévoyait cette disposition.
La rédaction d’un acte sous seing privé pour poursuivre son objectif de sécurisation, devra également comporter la signature des parties sous peine de nullité de l’acte.
Allant plus loin dans le souci de protection, la loi impose, dans certains cas, des mentions informatives mais également ce qui est communément appelé la formalité du double, laquelle formalité ad probationem ,sera requise dans un souci de preuve aussi bien de l’existence que du contenu de l’acte.
2- Valeur juridique reconnue à l’écrit.
L’intérêt de procéder à la matérialisation par écrit d’une relation contractuelle s’avère pertinente dès lors qu’apparait une contestation ou un litige.
- Force probante de l’acte authentique et de l’acte sous seing privé.
L’acte authentique constitue un élément de preuve quasi-parfait.
En réalité, la combinaison d’exigences d’ordre formelles telles que la mention de la date d’accomplissement de l’acte, l’apposition de la signature des parties mais aussi et surtout celle de l’officier public participent au renforcement du caractère incontestable de l’acte authentique.
Il continue à faire foi et ne peut être contesté que pour faux.[6] Cela signifie que le seul moyen d’attaquer la véracité d’une pièce authentique est la procédure de l’inscription en faux.
L’acte sous seing privé quant à lui est gouverné par le principe de présomption simple dans la mesure où il fait foi jusqu’à ce que la preuve contraire soit établie.
- De la reconnaissance de l’écrit électronique.
Loin d’être réducteur et plutôt avant-gardiste dans son analyse de l’évolution du droit, le législateur sénégalais, dans un souci d’adaptation des dispositifs juridiques en vigueur à l’évolution technologique, a intégré la notion d’écrit électronique dans la législation sénégalaise en lui octroyant la même valeur juridique et la même force probante que l’écrit sur support papier[7].
Ainsi, aux modes d’écrits classiques employés en matière de preuve (contrats solennels traditionnels, actes authentiques, actes sous seing privés, livres de commerce etc.), va venir s’adjoindre l’écrit électronique.
Au plan communautaire, l’acte uniforme portant droit commercial général a également intégré cette donnée numérique en octroyant aux documents électroniques une validité juridique et une force probatoire équivalente aux documents sur support papier[8].
L’avènement prochain d’un acte uniforme sur les transactions électroniques favorisera une meilleure appréhension des problématiques juridiques liées au numérique.
Pour une meilleure efficacité dans les rapports de droit, il paraît évident qu’il faille rechercher en permanence un équilibre entre le consensualisme et le formalisme. Ces deux concepts souvent opposés sont en réalité complémentaires et comblent les failles de l’un et l’autre.
Références Légales :
- Acte uniforme portant droit commercial général.
- Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal.
- Code de la famille du Sénégal.
- Loi n 2008.08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques.
[1] Code des obligations civiles et commerciales, art. 383.
[2] Code de la famille, art, 232.
[3] Acte uniforme portant droit commercial général, art,149.
[4] Code de la famille . art, 378.
[5] Cocc, art, 14.
[6] Cocc, art, 18.
[7] Loi sur les transactions électroniques n°2008.08 du 25 janvier 2008.
[8] AUDCG, art, 82.