Les bouleversements engendrés par la crise du COVID 19 n'ont pas épargné l'activité salariée. En cette période les chefs d'entreprise ont du prendre plusieurs mesures. Mais que prévoit la règlementation en la matière ?
L’activité salariée, par définition est exercée sous une autorité, laquelle est généralement incarnée par le chef d’entreprise soit en sa qualité d'employeur ou en sa qualité de détenteur du pouvoir de l'employeur.
Ce dernier dispose d’un pouvoir général concernant le fonctionnement de l’entreprise et ce pouvoir comprend généralement diverses prérogatives notamment le pouvoir de diriger, celui de règlementer et celui de sanctionner.
Chacun de ces pouvoirs est spécifique mais indissociable des autres. Toutefois un regard attentif sera accordé au pouvoir d'organisation ou de réglementation du chef d’entreprise.
En effet par ce pouvoir, l’employeur élabore les règles applicables dans l’entreprise. Il permet à l’employeur d’adapter la législation à son entreprise et de préciser les mesures spécifiques applicable au sein de l'entreprise.
Ce pouvoir règlementaire est exercé grâce à divers instruments notamment le règlement intérieur et les notes de services. Les documents en question édictent des prescriptions et des interdiction à l’égard du personnel.
S’agissant du règlement intérieur, il fait l’objet d’une règlementation dans son objet qui est limité à la discipline, l’hygiène et la sécurité nécessaire a la bonne marche de l ‘entreprise[1] . Cette limitation de l’objet du règlement intérieur vise a protéger les salariés contre l’édiction de règles unilatérales susceptibles d’apporter des restrictions aux libertés individuelles et collectives. Il est, tout de même, important de noter que l'employeur peut édicter dans ce règlement intérieur des normes relatives à l'hygiène et à la sécurité...
La note d’information quant à elle est un document écrit interne a une organisation et qui permet de transmettre une information sur des mesures prises et concernant l’activité de l’entreprise.
Conformément à la loi, il pèse sur le chef d’entreprise une obligation générale d’hygiène de sécurité et de prévention des risques professionnels. Il est ainsi habilité à prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la promotion de la sécurité et de la santé des travailleurs[2] et d'en garantir l'effectivité.
Cette obligation est d’autant plus importante lorsque le milieu de travail est perturbé par une crise sanitaire. En effet, le monde du travail a été particulièrement affecté par la pandémie du COVID 19.
Les entreprises ont du faire face à des difficultés économiques dans quasiment tous les pays du monde. Il était indispensable d’adapter la législation sociale a ce nouveau contexte afin de préserver les intérêts des entreprises mais aussi encadrer la vulnérabilité du salarié.
Dans ce processus d’adaptation, la République du Sénégal n’est pas restée en marge.
En effet, un début de solution a pu être trouvé grâce à l’ordonnance n°001‐2020 du 08 avril 2020 aménageant des mesures dérogatoires au licenciement et au chômage technique durant la période de la pandémie du Covid‐19.
Cette ordonnance apporte des informations sur deux points à savoir la question du licenciement et celle du chômage technique.
1. Le licenciement
En règle générale, l’entreprise traversant des difficultés économiques se voit reconnaître la possibilité de procéder a un licenciement pour motif économique. ‹‹ Tout licenciement individuel ou collectif effectué par un employeur et motivé par des difficultés économiques ou une réorganisation intérieure constitue un licenciement pour motif économique››[3]
Ce droit de rupture unilatéral reconnu à l’employeur et appliqué dans ce contexte de crise ne ferait qu’accroitre la précarité de la situation du salarié. Pour éviter la multiplication des licenciements la mesure prise en a limité le champ. En effet avec cette mesure, tout licenciement non justifié par une faute lourde est considéré comme nul et de nul effet[4].
2. La question du chômage technique.
Le chômage technique est règlementé par l’article L 65 du code du travail, il s’agit d’un cas d’interruption collective de travail pour des raisons techniques ou économiques conjoncturelles ou accidentelles.
Suite à l’ordonnance n°001‐2020 du 08 avril 2020 aménageant des mesures dérogatoires au licenciement et au chômage technique durant la période de la pandémie du Covid‐1, il est désormais fortement préconisé de privilégier des mesures alternatives au chômage technique. Il s’agira entre autres de la réduction des heures de travail, du travail par roulement, de l’anticipation des congés payés, du redéploiement du personnel, du travail à temps partiel.[5]
3. La question du ‹‹pass ››sanitaire dans les entreprises sénégalaises.
Nous avons pu voir que le chef d’entreprise assumait une obligation générale d’hygiène, de sécurité et de prévention des risques professionnels et que cette prérogative émanait de son pouvoir d’organisation du travail.
La question de l’étendue de ces pouvoirs se pose aujourd’hui notamment lorsque qu’il s’agit de mesures sanitaires potentiellement contraires à l’exercice de certaines libertés individuelles. En effet, sur la question de la vaccination, certains employeurs ont envisagé de la rendre "obligatoire" pour leurs salariés en prenant des mesures tendant à restreindre l'accès à leurs locaux pour les salariés non vaccinés.
L’analyse de la note d’information émise par la Société nationale d’électricité du Sénégal et visant d’une part à exiger la vaccination pour les autorisations de missions à l’intérieur du pays et à l’étranger et d’autre part la mise en congés annuels d’agents non vaccinés permet d’apporter une once de lumière sur la question.
En effet, dans le droit positif sénégalais, aucune loi ni règlement à l’heure actuelle ne permet au chef d’entreprise d’imposer la vaccination contre le Covid 19 à ses employés. Toute mesure visant à l’imposer serait considérée comme discriminatoire et porterait atteinte aux droits des salaries notamment le droit au travail consacré par la Constitution du Sénégal.[6] C'est d'ailleurs le sens de la note du Ministre de l'Emploi sur la question.
Par contre, il est important de noter que des mécanismes légaux sont prévus par le législateur sénégalais afin que le chef d’entreprise puisse assurer la protection de la santé de ses salariés et éviter toute politique discriminatoire. C'est le sens du Décret n° 2006-1261 du 15 novembre 2006 fixant les mesures générales d’hygiène et de sécurité dans les établissements de toute nature.
Ce décret énumère de manière détaillée un ensemble de procédés techniques permettant de garantir l’exécution de la prestation de travail dans le respect des conditions d’hygiène et sécurité.
En effet, pour que la prestation de travail soit effectuée de la manière la plus professionnelle possible, le salarié doit pouvoir evoluer dans un cadre offrant des garanties d'hygiène et de sécurité propices à la performance et c'est le lieu d'évoquer le pouvoir organisationnel de l'employeur qui a toute latitude pour prendre les mesures afin d'assurer la sécurité et proteger la santé physique et morale de son personnel.
Les locaux susceptibles d'accueillir les salariés doivent offrir des garanties de sécurité notamment en ce qui concerne leur resistance et leur stabilité et l'employeur est tenu d'y veiller.
L’employeur doit faire en sorte que les lieux de travail, les machines, les matériels, les substances et les procédés de travail placés sous son contrôle ne présentent pas de risques pour la sécurité des travailleurs , il dispose d'un pouvoir de contrôle et de surveillance pour s'en assurer.
La préservation de la sécurité du salarié est au coeur des exigences qui pèsent sur l'employeur à tel enseigne qu'il est tenu de mettre en place un service de sécurité de travail et un comité d’hygiène et de sécurité au travail qui vont l' assister et le conseiller sur les orientations à suivre en terme de sécurité et de santé des travailleurs.
L'employeur doit organiser son entreprise de telle sorte que les salariés puisse assurer leur propreté individuelle et leur sécurité par notamment la remise d'un équipement approprié lorsque les mesures de protection individuelle ou la nature même de la prestation de travail le requièrent.
Les vestiaires et casiers susceptibles d'accueillir les salariés et leurs effets personnels doivent être convenablement entretenus et ce de façon réguliere.
Les refectoires et cantines mis à disposition des salariés doivent être aérés et ventilés et les repas qui y sont servis doivent l'être dans le strict respect des règles d'hygiène alimentaire, il est d'ailleurs de la responsabilité de l’employeur de les former dans ce sens et de s'atteler à l’application de ces règles.
L'employeur dispose d'une panoplie de prérogatives qui sont l'émanation même de son pouvoir organisationnel et qui lui permettent de garantir le travail à ses salariés dans le respect des règles d'hygiène et de sécurité.
De surcroit, le Ministère du Travail, du Dialogue social, des relations avec les institutions a listé, dans le cadre de la stratégie de prévention de de la propagation du COVID 19 en milieu de travail, un certain nombre de mesures afin de permettre aux employeurs de juguler l’expansion de la pandémie. Ces mesures doivent aussi être mises en corrélation avec les dispositfs rendant obligatoire d'autres mesures telles que le port de masques dans certains établissements.
Il s’agit entre autres :
- De la mise en place d’installations propres pour le lavage régulier des mains avec du savon.
- De la mise à la disposition des travailleurs de produits désinfectants, de masques ainsi que de mouchoirs en papier.
- Du nettoyage régulier des locaux et outils de travail.
- De la limitation des rassemblements et des déplacements dans les zones à risques.
Références
Constitution de la République du Sénégal.
Loi no 97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du Travail.
Décret n° 2006-1256 du 15 novembre 2006 fixant les obligations des employeurs en matière de sécurité au travail.
Décret n° 2006-1261 du 15 novembre 2006 fixant les mesures générales d’hygiène et de sécurité dans les établissements de toute nature.
Ordonnance n°001‐2020 du 08 avril 2020 aménageant des mesures dérogatoires au licenciement et au chômage technique durant la période de la pandémie du Covid‐19.
[1] Article L 100, Code du travail du Sénégal.
[2] Article 6, Décret n° 2006-1256 du 15 novembre 2006 fixant les obligations des employeurs en matière de sécurité au travail.
[3] Article L60, Code du travail du Sénégal.
[4] Article 1de l’Ordonnance n°001‐2020 du 08 avril 2020 aménageant des mesures dérogatoires au licenciement et au chômage technique durant la période de la pandémie du Covid‐19.
[5] Article 2 de l’Ordonnance n°001‐2020 du 08 avril 2020 aménageant des mesures dérogatoires au licenciement et au chômage technique durant la période de la pandémie du Covid‐19.
[6] Article 8, Constitution de la République du Sénégal.